Arianne Chemin, Valentine Oberti ou encore Michel Despratx, la liste des journalistes convoqués ou qui ont été convoqués par la DGSI, s’est agrandi ce mercredi 22 mai 2019. Les services secrets Français reprochent une « compromission du secret de la défense nationale ». Une méthode qui inquiète les journalistes. Pour Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement : « les journalistes sont des justiciables comme les autres ».
La convocation devant les policiers de la section des atteintes au secret de la défense nationale de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), serait-elle la nouvelle preuve qu’un journaliste fait bien son travail ? Le mercredi 22 mai, Arianne Chemin, grand reporter au Monde, et Michel Despratx, journaliste au Disclose disent qu’ils ont été convoqués par la DGSI. La première pour ses révélations dans l’affaire Benalla, le deuxième pour ses révélations dans l’affaire de vente d’armes françaises au Yémen. Le soir même, Valentine Oberti, journaliste au Quotidien a révélé avoir été entendu par la DGSI, le 15 février dernier, pour son enquête sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis.
Convocations à la DGSI : il y a 2 mois, @ValentineOberti était convoquée. Elle enquêtait sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite.
Un journaliste ne dévoile JAMAIS ses sources. C’est un fondement du métier. Et NORMALEMENT c’est garanti par la loi.#Quotidien pic.twitter.com/7nlb6lkYJn
— Quotidien (@Qofficiel) 22 mai 2019
Elle a également indiqué, que le JRI ( journaliste reporter d’image) et l’ingénieur son, ont été entendu le 11 et 15 avril dernier. La liste des journalistes convoqués par la DGSI ces derniers mois s’étend donc à 8 : trois du Disclose, un de Radio France, trois de Quotidien et une au Monde. Une pratique qui inquiète la profession, car elle est vue comme une intimidation et une tentative de connaître les sources des journalistes.
« Les journalistes sont des justiciables comme les autres. »
Interrogée par Europe 1, ce matin, Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement a déclaré que les journalistes étaient « des justiciables comme les autres ».
.@SibethNdiaye sur la convocation de journalistes par la DGSI :
« Les journalistes sont des justiciables comme les autres. Il est normal qu’un État protège un certain nombre de données nécessaires à des activités de défense extérieure et militaires. »@audrey_crespo #europe1 pic.twitter.com/ilt2z3cphM
— Europe 1 📻 (@Europe1) 23 mai 2019
Selon elle, ces convocations visent à « protéger un certain nombre de données nécessaires à des activités de défense ». « Il est normal qu’un État protège un certain nombre de données nécessaires à des activités de défense extérieure et militaires », poursuit-elle. Un argumentaire, qui évite la question de l’intérêt public. Si les journalistes dévoilent ces informations, c’est pour l’intérêt public et que ces citoyens soient au courant des actions menées par son pays. « À aucun moment, le gouvernement ne semble se dire que s’il n’avait pas menti éhontément sur les armes françaises au Yémen, il n’y aurait pas eu de sources, habitées par une certaine idée du bien commun, pour rendre aux citoyens ce qu’il leur appartient: les faits. » Dénonce sur son compte Twitter, Fabrice Arfi, coresponsable des enquêtes à Mediapart.
Le Monde également entendu par la DGSI
Hier, le 22 mai, le monde a révélé que Arianne Chemin, grande reporter pour le quotidien du soir, allait être auditionné par la DGSI. Une « audition libre », à la section des atteintes au secret de la défense nationale. Cette convocation vise : « nos articles sur les affaires d’Alexandre Benalla, notamment nos informations sur le profil d’un sous-officier de l’armée de l’air, Chokri Wakrim, compagnon de l’ex-cheffe de la sécurité de Matignon, Marie-Elodie Poitout », écrit Luc Bronner, le directeur de la rédaction au Monde. Il explique également que : « M. Wakrim était lié par un contrat de protection rapprochée avec un homme d’affaires russe, qui a conduit à l’ouverture d’une enquête pour « corruption » ».
Ariane Chemin, journaliste au Monde est convoquée par la DGSI pour ses articles sur l’affaire Benalla.#DGSI #Benalla
▶️ Source: https://t.co/q0btrHsApy via @lemondefr
✖️ Campagne de financement de mes livres de dessins d’actu en cours…
▶️ https://t.co/t5ENYViOBO pic.twitter.com/DTCXBRCZK6— Allan BARTE (@AllanBARTE) 22 mai 2019
Le Monde a exprimé son inquiétude : « l’intérêt public suppose de pouvoir enquêter sur les entourages et les liens entretenus par des collaborateurs de l’Élysée ou de Matignon, quels que soient leurs parcours antérieurs ».
« Une tentative d’intimidation»
Ce mercredi, un collaborateur du Disclose, Michel Despratx, a lui aussi été convié à venir s’expliquer devant les service secrets français. Il sera auditionné le 29 mai a informé le site d’investigation sur son compte twitter. Il sera entendu comme témoin dans l’enquête pour « compromission du secret de la défense nationale ».Un statut de témoin qui l’empêche d’être accompagné d’un avocat. Le 15 mai dernier, ses confrères du Disclose avec qui il a travaillé sur l’enquête « made in France » ont été entendus par la DGSI. Cet article révèle que des armes françaises ont été vendues au Yémen. Les journalistes du site d’investigation ont dénoncé une « tentative d’intimidation ». Mathias Destal, cofondateur du média, a proclamé sur France Info qu’il s’agissait, « d’une volonté claire de nous fragiliser dans notre travail de journaliste et nous intimider pour la suite ».
[COMMUNIQUÉ] Lors de leur audition mardi 14 mai, qui fait suite à la publication de l’enquête « Made in France », les journalistes de @Disclose_ngo se sont vus notifier par les enquêteurs de la DGSI qu’ils n’étaient pas entendus comme journalistes. Proprement scandaleux ⤵️ pic.twitter.com/Y634WPOtql
— Disclose (@Disclose_ngo) 14 mai 2019
Les journalistes ont déploré l’entretien avec la DGSI : « La formulation des questions posées n’a eu comme seul objectif que de violer les dispositions fondamentales et protectrices du droit de la presse sur le secret des sources, pierre angulaire de la liberté de la presse ». Ils disent, également, avoir été interrogés sur des publications issues de leurs réseaux sociaux privés.
La France est 32e au classement de la liberté de la presse de Reporter Sans Frontières. Les convocations de journalistes devant les services secrets français, les perquisitions à Mediapart, et l’espionnage de LVMH envers des journalistes de Fakir, ne risquent pas de faire grimper la France dans ce classement.